Convertir une cantine à l’alimentation biologique
Selon un rapport de l’Union Européenne, la présence de pesticides a été décelée dans 49,5 % des fruits, légumes et céréales produits dans l’UE en 2006, le plus haut niveau de contamination jamais enregistré ! Face à cela, de nombreux pays ont développé le repas bio en collectivité.
Qu'est-ce qu'une cantine biologique ?
Une cantine biologique est une cantine qui propose une alimentation certifiée comme étant issue d'une agriculture biologique. En Europe, pour obtenir la certification en bio, le produit doit comporter au minimum 95% d'ingrédients issus de l'agriculture biologique.
Lors du Grenelle de l’environnement, la France s’était engagée à introduire 20 % de produits biologiques dans les cantines scolaires d’ici à 2012. Le constat à ce jour est de 2 % !
Il n'existe pas de définition légale de la cantine biologique. Toutefois, il est possible de se référer à des cahiers des charges établis par les professionnels de la filière biologique. Ainsi, la Fédération Nationale d'Agriculture Biologique des régions de France ont définit les valeurs que les agriculteurs biologiques souhaitent partager avec leurs partenaires de la restauration collective :
- Des aliments de culture biologique certifiée ;
- Un approvisionnement de proximité ;
- Des produits de saison, frais et peu transformés ;
- Des emballages réduits ;
- Le choix de variétés locales pour aider la biodiversité ;
- Des menus équilibrés.
Quel impact sur le territoire ?
Modèle actuel | Modèle proposé |
---|---|
Suprématie de l'industrie agro-alimentaire | Encourager les filières agroalimentaires biologiques et paysannes |
Pratiques agricoles intensives (recours massif à la chimie de synthèse, mécanisation violente, substances toxiques) | Favoriser la qualité alimentaire |
Dépendance vis-à-vis de la grande distribution et des étalages uniformisés | Diversité alimentaire et valorisation des produits du terroir |
Destruction d'emploi | Créer et multiplier des emplois en zone rurale |
Pollution | Réduire les transports des produits et minimiser les changements climatiques |
Mettre en place une cantine biologique vous permet de :
- Encourager les filières agroalimentaires biologiques et paysannes car vous privilégiez leurs produits plutôt que ceux vendus par l'industrie agro-alimentaire.
- Favoriser la qualité alimentaire car en mangeant bio, vos produits sont sans pesticides, sans additifs de synthèse et plus riche en nutriments.
- Valoriser les produits du terroir et la diversité alimentaire car l’agriculture bio favorise les variétés locales et rustiques. Elle propose à notre curiosité des fruits et des légumes oubliés (panais, rutabaga, topinambour), des céréales et des légumineuses (épeautre, millet, lentilles blondes) disparues du repas conventionnel.
- Maintenir les emplois et d'en créer de nouveaux car en consommant des produits issus de circuits courts vous dynamisez l'économie locale. De plus, l’agriculture bio exige 30 % de main d'œuvre en plus.
- Réduire l'impact écologique car la consommation de produits bio issus de circuits courts permet de réduire les transports et de minimiser les changements climatiques.
Comment créer une cantine scolaire biologique ?
1. Déterminer tous les acteurs concernés : du maire, qui est responsable de la restauration collective scolaire pour la maternelle et l'école élémentaire, au directeur d'école, en passant par les parents d'élèves, le gestionnaire des achats de l'école, les cuisiniers, et les acteurs locaux de la filière biologique, chacun à son mot à dire sur un tel projet.
2. Mener une enquête vous permettra de connaître le taux de sensibilisation et donc le soutien que vous allez recevoir et les freins que vous devrez lever. Un des principaux facteurs de réussite pour une cantine bio approvisionnée localement est de vérifier que l’école ou la ville dispose d’une véritable cuisine et d’une « légumerie » (un espace où les légumes peuvent être lavés, épluchés, etc.). Si ce n’est pas le cas, il est nécessaire de s’attaquer à ce problème en premier. C’est ce qui permettra de recevoir et de cuisiner des produits frais. Beaucoup de cantines reçoivent des produits préemballés, pré cuisinés, sous-vide ou en conserve (œufs en barres, poches de jaunes d’œuf liquide, etc.) même lorsqu’elles disposent d’une cuisine.
3. Créer un groupe avec d'autres parents d'élèves partageant votre envie. Mieux vaut être plusieurs pour être écoutés.
4. Rencontrer la filière biologique locale : agriculteurs, transformateurs et vendeurs de produits biologiques sont là pour vous accompagner tout au long de votre projet. Il est fondamental d'apporter dès le départ des propositions concrètes, des études de coût, des adresses de fournisseurs, etc. Ainsi, dès la première rencontre avec les personnes concernées, vous serez à même d'apaiser les craintes et de répondre à toutes les questions.
5. Présenter votre projet à l'établissement scolaire et mobiliser les arguments pour convaincre : tous les acteurs de l'école (directeurs, enseignants, personnel de restauration, infirmière, etc.) sont garants de la réussite de la mise en place d'une cantine biologique qui concerne à la fois l'alimentation, la santé, l'éducation au goût et l'éducation à l'environnement.
6. Définir ensemble les objectifs : avec l'aide de la filière biologique locale, différentes décisions doivent être prises avec tous les acteurs concernés. Par exemple, le rythme d'intégration de produits bio dans les repas, les sources d'approvisionnement, la détermination des menus pour maîtriser les prix, les demandes de soutiens financiers à la région, la communication sur le projet, les étapes de sensibilisation des parents et des enfants, etc.
7. Prévoir un volet sensibilisation conséquent pour assurer le succès et la pérennité du projet :
- Éduquer les enfants au goût : nouveaux produits, nouvelles saveurs, nouvelles couleurs, nouvelles recettes ;
- Faire redécouvrir l'origine des aliments, la relation entre agriculture et environnement, entre alimentation et santé ;
- Former le personnel de restauration à de nouveaux produits, techniques de cuisson, et accommodement des aliments.
Quelles sont les structures qui peuvent vous aider ?
FNAB
La Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique anime et coordonne les activités des groupements d'agriculteurs biologiques et représente les agriculteurs biologistes au niveau national. Vous y trouverez la Charte nationale de la restauration collective bio. De plus, elle a créé un site dédié spécialement à la restauration collective biologique : "RepasBio.org - Des repas bio dans les restaurants collectifs".
http://www.fnab.org/
Nature & Progrès
Nature et Progrès réunit des professionnels (producteurs et transformateurs) et des consommateurs. Elle attribue son propre logo fondé sur une charte et un cahier des charges qui va au-delà des exigences légales en matière d'agriculture et de produits biologiques.
http://www.natureetprogres.org/
Biodynamie
Le mouvement de culture biodynamique et l'association Demeter France. L'agriculture biodynamique se fonde sur une profonde compréhension les lois de la nature et du vivant afin de la respecter au mieux dans les pratiques agricoles.
http://www.bio-dynamie.org/organismes-nationaux-agriculture-biodynamique/demeter/demeter-accueil.htm
Le Syndicat National des Entreprises Bio.
Un plus Bio
L'Association "Un plus Bio" accompagne les personnes et les structures adhérentes souhaitant introduire progressivement une alimentation de qualité en restauration collective s’appuyant sur le concept «manger Bio ®». L’association peut aider les acteurs du monde de la restauration collective : élus, parents, gestionnaires, cuisiniers, professionnels de l’éducation, de la santé, du développement rural et de l’agriculture biologique.
http://www.unplusbio.org/manger-bio/index.php
Gablim
Au niveau local, agriculteurs et transformateurs se réunissent parfois au sein de structures, comme Gablim pour le Limousin
http://www.gablim.com
Ou
Bioconvergence
En Rhône-Alpes
http://www.bioconvergence.asso.fr/
Quelques lectures :
- Des programmes existent peut-être dans votre région : cela servira de base pour votre projet. Par exemple, le programme "Manger bio et autrement à la cantine" créé par le Conseil général de l'Isère et l'Association pour le Développement de l'Agriculture Biologique (ADABio) http://www.corabio.org/adabio.
- Egalement, la Fédération Nationale des Centres d'Initiatives pour Valoriser l'Agriculture et le Milieu rural (CIVAM) du Gard a créé le concept Manger Bio en restauration collective, programme qui consiste à introduire l'alimentation bio dans les collèges du département en accompagnant cette démarche d'une information pédagogique. Ce programme a depuis essaimé dans toute la France. La Fondation Nicolas Hulot et la Fédération Nationale des CIVAM proposent également un « Guide pour une Restauration Collective Responsable ».
http://www.fondation-nature-homme.org/actions/alimentation-responsable/pour-une-restauration-collective-responsable
Conseils:
On accuse souvent l'agriculture biologique d'être hors de prix et donc incompatible avec la restauration collective. Si le surcoût est bien réel, il faut en comprendre les raisons, et, surtout, voir qu'il est minime quand il est optimisé !
Les raisons du surcoût : l'aliment biologique est un aliment de qualité, qui nécessite plus de main-d'œuvre, pour un rendement à l'hectare inférieur. Le prix inclut aussi les frais de certification et de contrôle du produit. Enfin, les agriculteurs en bio perçoivent moins de subventions que les autres agriculteurs.
Mais ce surcoût est relatif, et maîtrisable :
- Un repas bio n'est que de 10% à 15% plus cher qu'un repas normal, soit entre 0,48 € et 0,60 € par repas. En effet, l'augmentation ne concerne que les matières premières, qui ne représentent que 20 à 30% du coût total d’un repas ;
- Remplacer des protéines animales par des protéines végétales, d'aussi bonne qualité, permet de réduire sensiblement les coûts ;
- Privilégier les aliments de saison, beaucoup moins chers ;
- Privilégier les produits locaux, pour diminuer les frais de transport ;
- S'adresser à des fournisseurs spécialisés en bio, pour éviter trop d'intermédiaires ;
- Préférer des produits moins coûteux et des recettes simples.
Ils l'ont fait !
Village de Langouët, Ille-et-Vilaine
Propos tirés de « Manger Local » de Lionel Astruc