Manger Bio
Manger bio, c’est varié
L’alimentation bio fait preuve d’originalité. L’agriculture bio favorisant les variétés locales et rustiques, elle propose à notre curiosité des fruits et des légumes oubliés (panais, rutabaga, topinambour…), des céréales et des légumineuses (épeautre, millet, lentilles blondes…) disparues du monde du « manger conventionnel ». Elle favorise aussi la découverte du monde végétarien (algues, graines germées, tofu, tonyu et autres dérivés du soja, lait d’amande et de riz…) couramment proposés dans les magasins d’alimentation bio. Et qui sait, elle développera peut-être chez certain le goût d’une cuisine plus imaginative ?
Manger bio, c’est bon pour la Terre
Le sol est vivant et fragile. Il contient déjà tout ce qu’il lui faut de petits organismes pour favoriser sa vitalité. L’homme peut l’aider à entretenir ce tissu d’acteurs minuscules et qualifiés en le fertilisant avec des matières organiques transformées et naturelles (voir la fiche « Pratiquer l’agriculture biologique » ).
L’agriculture conventionnelle ne prend pas ce soin-là en abreuvant la terre de pesticides (c'est-à-dire de biocides, ce qui signifie littéralement « tuent la vie »), celle des herbes, insectes, organismes jugés indésirables. Les exploitants agricoles français sont d’ailleurs les plus gros utilisateurs de pesticides en Europe et les troisièmes au monde.
Or, les pesticides polluent les sols qui deviennent stériles, ce qui induit l’utilisation de toujours plus d'engrais ; ils polluent l’air (plus de la moitié des produits chimiques pulvérisés retombent en pluies contenant acides sulfurique et nitrique) et l’eau (neuf rivières françaises sur dix contiennent un ou plusieurs pesticides, ainsi que la moitié des eaux souterraines, selon un rapport de l’Institut français de l’environnement). Ils ne respectent pas non plus la biodiversité en menaçant notamment de disparition les insectes utiles. De même la disparition des haies et des jachères florales, intruses dans la monoculture de champs immenses, appauvrit la diversité de la faune et de la flore.
Au contraire, l’agriculture biologique redonne à chaque plante et chaque insecte sa place et son rôle (aérer la terre, limiter la prolifération d’insectes nuisibles, assister la reproduction des végétaux…). De plus, en sélectionnant les semences et les animaux les mieux adaptés à un terroir particulier, en organisant la rotation des terres, la pratique de la jachère et en favorisant les cultures associées, elle préserve la variété des espèces et des races.
Le bio, zéro défaut ?
L’agriculture bio émet, elle aussi, des gaz à effet de serre et génère donc de la pollution. L’empreinte écologique nulle n’existe pas. Mais il y a bio et bio. Ainsi, un agriculteur utilisant un intrant local (compost) plutôt qu’un guano importé d’Amérique du Sud poursuit une démarche plus respectueuse de l’environnement.
De même, on peut s’interroger sur l’éthique de production et de commercialisation des aliments bio vendus dans les grandes surfaces. Celles-ci reproduisent en effet en agriculture bio le schéma productiviste dominant (monocultures « industrielles », cultures réservées à l’exportation, pour celles provenant des pays du Sud, employant peu de main d’œuvre et finissant par fatiguer les sols, prix tirés vers le bas).
Enfin, le bilan écologique d’un aliment, ce n’est pas seulement son mode de production, ce sont aussi les coûts énergétiques de sa transformation et de sa conservation, l’emballage, le transport. C’est donc à chacun, dans son acte d’achat, même bio, de s’interroger et d’agir en conséquence : acheter des produits plutôt en vrac (afin de limiter les emballages) ; des fruits et légumes de saison et locaux (manger plutôt en janvier des épinards français que des haricots verts bio arrivés par avion du Kenya), préparer une salade de produits frais plutôt qu’un plat surgelé (la congélation étant un mode de transformation et de conservation très énergivore)…
Plus qu’une agriculture biologique normative, peut-être peut-on souhaiter la généralisation d'une agroécologie, pratique éthique qui refuse le gaspillage des ressources végétales et animales et l’exploitation des paysans du tiers-monde, et qui prône l’équilibre, local et global, dans le respect de l’Humain et de la Nature.
Plus cher, le bio ?
C’est vrai, les aliments bio sont plus chers que ceux issus de l’agriculture conventionnelle (jusqu’à 50 % de plus, pour les produits transformés). Ces prix plus élevés s’expliquent notamment par des coûts de production plus importants qu’en agriculture conventionnelle : besoins en main d’œuvre de 20% à 30% supérieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle pour un rendement à l’hectare inférieur, produits de traitement, frais de transformation et de distribution spécifiques plus coûteux, contrôles et certifications onéreux, pertes importantes (les fruits et légumes bio sont plus fragiles que leurs acolytes conventionnels), subventions inférieures de 20 % environ à celles de l’agriculture conventionnelle, ou encore rareté de ce mode de production.
Mais si l’on veut faire des comparaisons, est-il possible de chiffrer les coûts cachés de l'alimentation conventionnelle ? Pollution des eaux et coût de cette dépollution, appauvrissement des sols, problèmes sanitaires dus aux produits chimiques ou encore destruction de l'agriculture de subsistance des paysans du Sud sont autant de conséquences que le prix des denrées non bio ne prend pas en compte.
Donc, si cela coince du côté du porte-monnaie, quelques changements dans les habitudes alimentaires peuvent atténuer, voire annuler, ce surcoût :
• Remplacer les protéines animales par des protéines végétales, d'aussi bonne qualité et moins chères ;
• Favoriser les aliments de saison, moins chers aussi ;
• Privilégier les circuits courts, en s'adressant à des fournisseurs locaux spécialisés en alimentation bio pour éviter trop d'intermédiaires ;
• Acheter les justes quantités (selon une étude de l’Ademe en 2007, en moyenne 7 kg d'aliments sont jetés par an et par habitant) ;
• Utiliser des céréales complètes plus nourrissantes.
Identifier les produits bio
Chaque pays à sa conception de l’agriculture biologique, soumise à des certifications et des règlements différents.La mention « bio » ou « issu de l’agriculture biologique » sur un produit alimentaire garantit le respect de la réglementation (soit une démarche de prise en compte de la santé et de l’environnement selon des règles d’hygiène et de sécurité spécifiques, du champ à la préparation de l’aliment).En France, les logos « AB » (pour Agriculture Biologique) et le logo européen (un épis de blé cerclé de douze étoiles), facultatifs, sont les plus courants. A partir de juillet 2010, un nouveau logo bio européen sera obligatoire.
Une denrée alimentaire certifiée « AB » ou portant le label bio européen doit comporter un minimum de 95 % d’ingrédients bio.
L’agriculture biologique française était la plus sévère au monde. Ce n’est plus le cas depuis le 1er janvier 2009 et la mise en application de la nouvelle réglementation européenne du bio qui interdit à un pays de la Communauté d’être plus exigeant que ladite réglementation. Celle-ci d’ailleurs s’est ouverte au vin et à l’aquaculture, qui pourront désormais être labellisés bio, mais aussi aux OGM en tolérant jusqu’à 0,9 % de pollution transgénique des produits bio (reconnaissant ainsi une contamination techniquement inévitable par les OGM emportés par le vent). Elle tolère également des pratiques moins sévères comme la mixité du bio et du non bio sur une même exploitation.
Le consommateur peut donc désormais s’interroger sur la qualité 100 % bio des aliments.
Pour s’assurer d’une alimentation bio de qualité, l’association Bio Consom’acteurs recommande de faire plutôt ses achats chez les producteurs locaux, à la ferme ou sur les marchés, auprès d’une AMAP (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) ou encore dans les magasins qui maintiennent une haute exigence de qualité biologique. Et, dans cet esprit respectueux de la terre et des humains, de privilégier les aliments de saison et le commerce équitable.
Manger bio, c’est bon pour la santé
Des résidus de pesticides se retrouvent sur les fruits et les légumes non bio (selon un rapport de l’Union européenne, la présence de pesticides a été décelée dans 49,5 % des fruits, légumes et céréales produits dans l’UE en 2006, le plus haut niveau de contamination jamais enregistré). Les résultats de nombreuses études faites dans le monde (et présentées sur le site Internet du collectif ACAP, Action Citoyenne pour les Alternatives aux Pesticides), ainsi que les avis d’un certain nombre de scientifiques parmi lesquels le professeur Belpomme, cancérologue (www.artac.info ) établissent un lien entre pollution chimique environnementale et maladies (cancers, stérilité, allergies…). Les fruits et légumes bio sont exempts de ces pollutions (quasiment du moins car ils ne sont pas à l’abri d’une contamination apportée par la pluie (nitrates) ou le vent (OGM)).
Une étude récente* menée par les chercheurs de l'université de Newcastle a mis en évidence un bénéfice significatif des aliments issus de l'agriculture biologique pour la santé humaine. Ces chercheurs ont démontré que les aliments bio sont riches en antioxydants (taux de 18% à 69% plus élevé que l'agriculture conventionnelle). Leur apport réduit les risques de cancers et de maladie cardiovasculaire. L'étude a également mis en exergue la faible présence des métaux lourds toxiques dans les cultures bio. Les concentrations en azote total, en nitrate, et en nitrite sont ainsi respectivement de 10%, 30% et 87% plus faibles dans les cultures bio que dans celles issues de l'agriculture conventionnelle.
Enfin, les produits alimentaires bio contiennent des additifs (colorants ou conservateurs) exclusivement naturels ou bio, ce qui n’est pas le cas des produits issus de l’industrie agro-alimentaire conventionnelle dont certains additifs présentent eux aussi des risques cancérigènes et allergisants.
Manger bio, ça veut dire quoi ?
C’est se nourrir d’aliments issus de l’agriculture biologique, mode de culture et d’élevage respectueux de l’environnement, de l’homme et des animaux.
C’est donc manger des fruits et des légumes cultivés sans pesticides, engrais chimiques de synthèse, ni OGM (organismes génétiquement modifiés), mûris naturellement au soleil et cueillis à maturité.
C’est aussi souhaiter un mode d’élevage dans le respect des animaux, qui vivent au grand air et sont nourris eux aussi sans OGM, soignés selon des méthodes naturelles (homéopathie et phytothérapie) et sans antibiotiques ni vaccins, sauf exception.
Manger bio, c’est encore être attentif au respect des sols dont on préserve la fertilité et l’activité biologique en épandant des engrais naturels et en leur laissant le temps de se régénérer. C’est également penser à la santé de l’air et de l’eau.
Manger bio, c’est donc préférer une agriculture moins intensive, plus exigeante en temps et main-d'œuvre ; une agriculture qui privilégie la biodiversité, la qualité plutôt que la quantité et les petites unités de production, encourageant ainsi la survivance des paysans, et même leur multiplication, dans nos campagnes.
Quelques liens
- "Le bio, plus riche en antioxydants : comment les pratiques agricoles impactent notre santé", de Philippe Nicot, sur le site du Nouvel Observateur.
- "Les fruits et légumes bio, plus riches en antioxydants", de Laetitia Van Eeckhout, sur le site du Monde.
Quelques films
- "Solutions locales pour un désordre global", de Coline Serreau, coproduit par Colibris.
- "Nos Enfants nous accuseront", de Jean-Paul Jaud.
- "We Feed the world", de Erwin Wagenhofer.
- "Le Monde selon Monsanto", de Marie-Dominique Robin.
Quelques livres
- "Planète Cuisine", le guide écogourmand du WWF.
- "Manger bio, c’est pas du luxe", du Dr Lylian Le Goff aux Editions Terre Vivante.
- "La stratégie du Colibri", de Séverine Millet, Editions Minerva. Cet ouvrage réunit une série d’actions concrètes, locales, accessibles et collectives.