L'accompagnement émotionnel de l'enfant
Accueillir et encourager les émotions de son enfant, l’écouter, lui donner la permission de libérer ses tensions, c’est lui permettre de se constituer une personnalité solide, une sécurité intérieure stable afin qu’il aille, serein et assuré, sur son propre chemin et, plus tard, sorte grandi des difficultés de la vie. Et comme les parents ne sont pas les seuls éducateurs, demandons qu’au programme des écoles figure un cours de « compétences sociales » car elles ne sont pas plus innées que les mathématiques ou la géographie. Il est urgent de prendre en compte le développement des intelligences émotionnelle (ce qui se passe à l’intérieur de nous) et relationnelle (ce qui se passe entre les personnes) dans l’éducation de nos enfants, adultes de demain.
Accompagner les émotions de l’enfant
Lorsqu’un enfant éprouve une émotion, la question est : « Comment puis-je l’aider à avoir conscience de ce qui se passe en lui ? ».
Mettez des mots sur son ressenti : « Je vois que tu es en colère !». Ou aidez-le à mettre des mots dessus. Laissez-lui de l’espace pour s’exprimer. Nous avons tendance à consoler. Ecoutez-le plutôt avant de le consoler : « Je vois que tu as mal ! ». S’il s’est fait très mal, encouragez-le même à pleurer : « Pleure mon amour, pleure fort, serre-moi et pleure, ça fait mal ! ».
En lieu et place de l’habituel « Pourquoi ? », tentez : « Qu’est-ce qui se passe ? » ou : « Qu’est-ce que tu ressens ? », des questions qui accompagnent le vécu intérieur.
Encourager l’expression des émotions
Nos émotions sont utiles. Ce sont elles qui nous donnent notre conscience d’Être.
Les pleurnicheries pour un oui ou pour un non d’un plus grand peuvent être des tentatives de trouver un moyen de pleurer vraiment. Des affects sont bloqués, il a besoin d’une occasion de les libérer. L’enfant cherche une permission, un prétexte pour laisser sortir larmes ou colère. Même l’enfant plus grand qui a accès à la verbalisation, même l’adulte, ont besoin de pleurer, de crier, de trembler, pour se libérer d’émotions fortes.
Toutefois, il y a des pleurs qui guérissent et d’autres qui entretiennent le problème. Les pleurs inutiles partent du haut de la poitrine, et peuvent être sans larmes. Sentiments de substitution, ils servent la répression émotionnelle et non la libération. Les pleurs de libération sont accompagnés de sanglots et de larmes.
Serrez l’enfant contre vous avec fermeté et tendresse jusqu’à la libération de l’émotion contenue. Il va souvent commencer par se débattre, puis se mettra à sangloter. Permettez à l’émotion d’aller jusqu'à sa résolution. Quand la respiration de l’enfant est redevenue calme, place à la parole.
L’écoute empathique
L’écoute empathique consiste à refléter ce que vous entendez dans ce que vient de dire l’enfant, en retenant les aspects signifiants, c’est à dire l’émotion, le sentiment ou le désir. Il ne s’agit pas tant d’écouter les mots que d’entendre ce qui les sous-tend.
Centrez-vous sur le mouvement intérieur de l’enfant plutôt que sur les faits. Accompagnez votre enfant et non les événements extérieurs.
S’il dit : « Je n’ai pas envie de dormir ! », répondez : « Tu n’as pas envie du tout ! » plutôt que : « Il faut bien que tu dormes pour être en forme demain ».
Vous pouvez continuer par quelque chose comme : « Tu as le droit de ne pas avoir envie, c’est vrai. Tu préférerais continuer à jouer, je peux comprendre ça », tout en continuant à le coucher.
Une émotion, c’est quoi ?
Une émotion est une réponse physiologique à une stimulation, à une modification de l’environnement. Tandis qu’un sentiment est déclenché par les pensées, et est donc « psychologique ». Les émotions sont à exprimer, les sentiments à décoder pour permettre à l’émotion sous-jacente de s’exprimer.
L’émotion a une double fonction biologique : réguler l’état interne de l’organisme et produire la réaction adaptée à la situation. Une émotion est donc un processus biologiquement déterminé qui dépend de dispositifs cérébraux mis en place au terme d’une longue histoire évolutionnaire. Une émotion dure quelques minutes au plus et se déploie en trois temps : charge, tension, décharge.
Prenons pour exemple la peur :
- Charge : libération d’adrénaline, accélération cardiaque, afflux de sucre et d’oxygène là où le besoin s’en fait sentir.
- Tension : l’organisme mobilise le maximum d’énergie pour faire face à la situation.
- Décharge : c’est le retour au calme ! Une fois le danger écarté, le corps a besoin de revenir à son équilibre de base. Le système nerveux parasympathique entre en jeu, les tensions se relâchent, créant pleurs et tremblements.
Les émotions sont donc là pour éviter la perte de l’intégrité. Elles veillent à notre conservation et orientent notre croissance.
Les émotions, à quoi ça sert ?
Joie, colère, amour, tristesse, dégoût… Les émotions sont au cœur du sentiment de soi. Elles sont l’expression de la vie en soi. C’est pourquoi il est essentiel de les exprimer, au contraire des sentiments !
La peur aide à se préparer et à se protéger ; la tristesse accompagne les deuils ; la joie est expansion, elle nous dynamise, nous guide et favorise l’apprentissage ; la colère définit nos limites, nos droits, notre espace, notre intégrité, elle est réaction à la frustration ; l’amour nous relie à autrui.
Pleurer, crier, trembler sont des remèdes aux inévitables tensions de la vie. L’existence d’un petit enfant est pleine de frustrations, de questions, de peurs, de colères… Tous les bébés ont besoin de pleurer, aussi bien accompagnés soient-ils. L’émotion permet de se récupérer, de se reconstruire après une blessure.
Libérez les émotions !
Un événement blessant, un accident, une épreuve, une injustice ne deviennent traumatismes que si on ne laisse pas libre cours à l’expression des émotions qu’ils suscitent.
Réprimer ses émotions conduit en effet à des répétitions douloureuses, à la dépression, l’angoisse et peut engendrer des symptômes physiques. Il est donc urgent d’apprendre à identifier, à nommer, à comprendre, à exprimer, à utiliser positivement ses émotions sous peine d’en rester esclaves.
Et pour se libérer d’une émotion désagréable, à condition qu’elle soit authentique, rien de plus facile : il suffit de la laisser s’exprimer ! Mais si vous êtes en colère, inutile de frapper la personne qui a déclenché votre ire, préférez un coussin ! Attention, exprimer un sentiment parasite, c’est à dire une réaction émotionnelle disproportionnelle ou inadaptée à la situation, ne libère pas !
L’expression d’une émotion libère, l’expression d’un sentiment le renforce !
Respecter les émotions de l’enfant
Respecter les émotions de l’enfant, c’est lui permettre de sentir qui il est, de prendre conscience de lui-même ici et maintenant, de percevoir son « aujourd’hui » en relation avec « hier » et « demain ». C’est le placer en position de sujet, le considérer comme une personne qui a le droit de désirer et non comme un objet. C’est l’autoriser à se montrer différent de nous. C’est lui donner la possibilité de répondre à sa manière très particulière à la question : « Qui suis-je ? », à construire son sentiment d’identité et de personnalité propre. C’est aussi l’aider à se réaliser, à être conscient de ses ressources, de ses forces comme de ses manques, à se percevoir avançant sur un chemin, son chemin.
Interdire à un enfant d’exprimer son émotion, c’est le laisser en tension. Empêcher un réel retour au calme. Les émotions seront alors réprimées, non dépassées.
Laisser l’enfant exprimer ses émotions
Un adulte se sent « libéré » après avoir pleuré. Pourtant, il se précipitera sur son tout petit et lui dira : « Ne pleure pas, ne pleure pas ! ». Aucun parent n’aime voir souffrir son enfant. Malgré notre expérience personnelle, nous continuons d’imaginer que l’enfant qui pleure souffre. Alors qu’il est au contraire en train de se soulager de sa souffrance.
C’est vrai, il n’est pas toujours facile d’écouter les émotions des enfants. Elles nous remuent et menacent aussi notre sentiment d’être une « bonne mère » ou un « bon père ». Elles nous insécurisent : « Que dois-je faire ? ». Elles mettent en échec notre rôle de protecteur, nous confrontent à notre fonction de pourvoyeur. Osons le dire, nous aimerions parfois que nos enfants restent tranquilles, ne pleurent pas, ne crient pas, ne se roulent pas par terre. Nous préférerions qu’ils n’aient pas tant d’émotions ! Seulement voilà, les affects des enfants sont ce qu’ils ont de plus précieux. Là réside leur sentiment d’identité, la sensation de leur existence propre.
Accueillir les émotions de l’enfant
Le petit enfant est prisonnier de l’immédiateté de sa réponse émotionnelle, sans médiation de la pensée pour relativiser les choses ou hiérarchiser les enjeux. Il est facilement envahi par ses affects et a donc besoin de nous pour l’aider à trouver la sortie.
D’autre part, il cherche bien naturellement à donner sens à ce qu’il vit. Il le fait avec les moyens du bord. Il organise et interprète ses perceptions à sa manière, à la lumière des informations, souvent incomplètes, parfois déformées, dont il dispose. Ce qui peut donner lieu à des réactions émotionnelles incompréhensibles pour les parents.
Par exemple, Arnaud est agressif, il fait de grosses colères « pour des riens ». Inutile de permettre à Arnaud d’exprimer ses colères, ce sont des sentiments parasites. Ses parents se sont séparés. Dans sa tête, il s’est dit : « Papa est parti, c’est donc qu’il ne m’aime pas parce que je suis un méchant enfant ». Par ses colères, tout à la fois il exprime sa souffrance et justifie le départ de son papa. Derrière cette agressivité parasite, Arnaud réprime une autre colère et beaucoup de peurs et de tristesse. Ce sont ces émotions-là qu’il est utile d’aider Arnaud à exprimer.
Bénédicte, elle, est triste, elle ne participe pas en classe, elle ne joue pas avec les autres enfants. Elle a du mal à trouver sa place. Elle se sent de trop partout. Ses parents se disputent beaucoup. Elle s’est dit : « Papa et maman se fâchent à cause de moi. Si je n’avais pas été là, ils ne se disputeraient pas. C’est ma faute ». La tristesse de Bénédicte est donc parasite et cache sa colère et ses peurs. Bénédicte a besoin d’entendre : « Je te vois triste. C’est vrai que c’est triste d’avoir des parents qui se disputent et tu as surtout le droit d’être en colère contre nous, parce que ce n’est pas juste. Et puis peut-être parfois tu as peur… Parle-moi de combien tu as peur… ».
Quand l’enfant exprime une émotion appropriée, accueillez-la non verbalement, par le regard. Soyez présent dans votre respiration, dans votre attitude intérieure. Éventuellement, selon l’âge de l’enfant, prenez-le dans vos bras.
Quelques livres
- « Au Cœur des émotions de l’enfant » d’Isabelle Filliozat, éd. Marabout.
- « Il n’y a pas de parent parfait » d’Isabelle Filliozat, éd. JC Lattès.
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