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De consommer mieux, les Français passent au consommer moins !


Est-ce le baromètre de la bascule ? L'importante enquête commandée par GreenFlex, un cabinet de conseil aux entreprises, sur l’évolution des modes de consommation dans 6 pays européens – avec un large panel en France – (1), témoigne d’une véritable rupture dans l’opinion. Stéphane Petitjean, directeur associé du cabinet, et Maud Chassande, consultante, qui ont construit et analysé ce « baromètre 2019 de la consommation responsable », nous expliquent à quels niveaux.  Le rachat de Greenflex en 2017 par le groupe Total, qui est loin d’être un modèle dans le développement durable, nous a fait hésiter à rendre compte de ce sondage détaillé. Nous avons cependant estimé que son contenu et les évolutions majeures qu’il indique sur le modèle de consommation valait cette diffusion. Sans éluder, comme vous le lirez, les contradictions que représentent pour Greenflex l’appartenance à un tel groupe. 



– Il y a à peine deux ans, dans votre baromètre précédent, la consommation responsable rimait pour les Français avec « consommer autrement », en sélectionnant des produits éthiques, bio ou éco-labellisés. En 2017, seulement 14 % déclaraient vouloir consommer moins. Deux ans plus tard, ils sont 27 % ! Mais que s’est-il passé entre temps pour expliquer un tel changement ?

Stéphane Petitjean : Deux choses se sont conjuguées, à mon avis. La montée des discours scientifiques, médiatiques et politiques sur la sévérité des crises écologiques globales. Et, en France, les débats sur nos consommations quotidiennes autour du mouvement des Gilets Jaunes ont renforcé ces préoccupations. 

Mais ce que je trouve particulièrement notable dans cette étude, c’est que jusqu’ici, l’opinion considérait que les pollutions et le dérèglement climatique étaient essentiellement le fait des entreprises. À présent, les personnes sondées font le lien entre leurs propres consommations et l’impact qu’elles ont sur la planète, sur leur santé, sur les conditions de travail à l’autre bout du monde, sur les animaux, etc. J’y vois une forme de responsabilisation. Et c’est peut-être ça le véritable point de bascule ! 

– Une responsabilisation, peut-être aussi une plus grande maturité de l’opinion sur l’état de la planète et de ses ressources [voire les graphes ci-contre], non ?

S. P. : Oui, je le crois. Lorsqu’on découvre que 86 % des Français aimeraient vivre dans une société où la consommation prendrait moins de place ; ou que 9 Français sur 10 estiment que ce modèle est à bout de souffle et 57 % qu’il faut le changer complètement et sortir du mythe de la croissance infinie, je suis stupéfait. C’était impensable de lire de tels résultats il y a seulement cinq ans !

À présent, les personnes sondées font le lien entre leurs consommations et l’impact qu’elles ont sur la planète ; j’y vois une forme de responsabilisation, et c’est peut-être ça le véritable point de bascule !

– 60 % des 6 000 Français interrogés estiment qu’il y a urgence à agir et 13 % pensent qu’il est même déjà trop tard... Dans l’ordre, c’est le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité et les déchets plastiques qui les préoccupent le plus. Ce niveau d’inquiétude est-il spécifique aux Français ou est-il largement partagé en Europe ?

Maud Chassande : La prise de conscience des crises écologiques est généralisée en Europe, avec des nuances bien entendu. De même que sur la nécessité d’agir sur nos consommations pour les atténuer. Et on sent que, partout, cette conscience n’est pas l’effet passager d’une mauvaise nouvelle... La spécificité française intervient davantage sur le sens critique vis à vis de certaines offres de consommation et sur la façon de traiter ses crises.

– Justement, ce que je trouve réjouissant dans votre étude, c’est de lire que les Français semblent vouloir dépasser leurs peurs pour prendre les choses en main, à commencer par leur mode de vie : 67 % d’entre eux déclarent avoir déjà changé certaines de leurs pratiques pour réduire l’impact de leur consommation. Ils ne sont que 4 % à avouer n’avoir aucune envie de changer. Des précisions sur ce que les citoyens sont en train de modifier ?

S. P. : On voit s’affirmer une double dimension de proximité : les sondés manifestent leur volonté d’agir dans leur environnement immédiat, sur laquelle ils ont davantage la main qu’au niveau global. Et cela passe par des achats de produits locaux et de saison, de plus en plus plébiscités. Ainsi 88 % des Français déclarent acheter des produits de saison et, concernant les meubles, d’acheter du made in France à 68 %. Hors enquête, nous observons d’ailleurs que les petites entreprises qui développent des produits made in France ont la côte. En gros, pour de plus en plus de Français, consommer local est une bonne chose à tous les étages : aux niveaux environnemental, pour la santé et pour l’économie du pays.

– Cette volonté de relocaliser leurs achats et les productions manifeste ainsi une articulation entre les dimensions écologiques et sociales des crises auxquelles nous sommes confrontées. Mieux, 8 Français sur 10 estiment qu’on n’avancera pas sans résoudre les inégalités de la société. Cet effet “Gilets Jaunes - Gilets Verts” est-il également présent dans le reste de l’Europe ?

M. C. : Nous avons questionné l’opinion des 6 pays sur ce besoin d’articuler le social et l’environnement. Partout, celui-ci se manifeste. Mais en Suède et au Royaume-Uni cette liaison s’impose nettement moins que dans le sud de l’Europe ou en Allemagne.

Entre détresse sociale et environnementale, les Français refusent de choisir !

Confirmation avec l’enquête « Fractures françaises » de l’institut Ipsos Sopra-Steria pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne : la protection de l’environnement s’impose désormais au premier rang des inquiétudes des Français.

Mais, entre fin du mois et fin du monde, les sondés hésitent, ou peut-être refusent de choisir : 51 % souhaitent « des mesures rapides et énergiques pour faire face à l’urgence environnementale, même si cela signifie de demander aux Français et aux entreprises des sacrifices financiers », tandis que 49 % veulent d’abord « des mesures rapides et énergiques pour faire face à la crise sociale, même si cela signifie de mettre la question environnementale au second plan pour l’instant ».
Les jeunes (62%) et les cadres (55%) sont plus enclins à donner la priorité à l’environnement, alors que les ouvriers (55%) et les seniors (55%) estiment que la question sociale doit être prioritaire pour l’Exécutif.

– À première lecture, on se dit que les Français ne se laissent pas séduire par toutes les « modes » : 8 sur 10 considèrent dans votre étude que les produits bio ne se valent pas tous et qu’il vaut mieux acheter des fruits et légumes locaux et de saison plutôt que des produits labellisés bio mais qui viennent d’un autre pays. Pour autant, on sait par l’agence Bio qu’une nette majorité d’achats de la bio s’effectue en grandes et moyenne surfaces (GMS). Lesquelles importent des produit AB, augmentent d’une façon inconsidérée leurs marges au détriment des producteurs… et parfois des consommateurs ! 

S. P. : On peut penser que ces achats majoritaires des produits biologiques en supermarchés s’expliquent largement par certains prix bas pratiqués par les grandes enseignes du fait des volumes achetés. On peut d’ailleurs se dire que des prix plus bas constituent une manière de démocratiser l’accès à la bio.

Les coûts constituent un verrou très net : lorsqu’on les interroge sur « les freins pour se lancer dans une démarche de développement durable » ou, pour ceux qui ont déjà commencés pour « aller encore plus loin » dans cette voie, la question des coûts est systématiquement citée en premier, respectivement pour 31 % et 39 %.

Lorsqu’on interroge « les freins pour se lancer dans une démarche de développement durable », la question des coûts est systématiquement citée

M. C. : Et pour autant, à la question de savoir « que faites-vous pour vous assurer qu’un produit est vraiment durable ? », 41 % des sondés répondent se tourner vers des réseaux de distribution de proximité, 20 % vers les circuits de distribution historique de la Bio, contre 17 % qui indiquent tenir compte des informations communiquées par la marque et 15 % du crédit apporté par les grandes surfaces. Là où vous voyez certaines limites ou contradictions dans les actes d’achats de la bio en grandes surfaces, on peut aussi considérer qu’il s’agit de l’expression d’une certaine finesse d’analyse en France vis à vis du consommer durable. Dit autrement, les gens achètent des produits bio majoritairement en GMS pour des raisons de prix, sans pour autant penser que c’est l’idéal de le faire en grandes surfaces...

– Autre évolution marquante : 63 % des Français prennent désormais en compte la question du bien-être animal lorsqu’ils consomment. Est-ce que cela annonce de nouvelles baisses sur la consommation de produits animaux ?

M. C. : Difficile pour nous de vous répondre sur ce point. Toutefois,  lors de la présentation de notre baromètre le 19 septembre, la filiale d’études du groupe Casino, annonçait qu’entre juin 2018 et juin 2019 ils avaient relevé une baisse de 4 % des achats de viandes et d’1,2 % pour le lait de vache au sein des magasins de leur enseigne. [Au niveau national, la tendance est plus contrastée : lire notre encadré] D’autres signes vont dans le même sens, avec le développement des produits, rayons et même magasins vegan en France.

Pas d’effondrement de la consommation des viandes en France

Le 8 novembre dernier, l'organisme semi-public FranceAgriMer est venue contredire l’affolement de la profession de production et transformation de viandes en France : deux études publiées simultanément ne montrent pas de recul très net. Plutôt des tendances... floues. Dans le première étude, les Français achètent de moins en moins de viandes chez le boucher (- 2,6% en valeur et - 3% en volume l'an dernier), de même que les produits carnés surgelés et la charcuterie, dont la baisse est de 1,4% en valeur et de 2,5% en volume.

En revanche, selon la deuxième étude de FranceAgriMer, la consommation de viandes par les Français est en... hausse en 2018, passant de 85 kilos/équivalent carcasse de viande en 2017 à 87,5 kgec l’an dernier. Cette hausse s'expliquerait par une envolée de la consommation de viandes hors domicile, perceptible notamment pour la restauration à emporter ou à livrer (burgers, nuggets, kebab, sandwiches...).

Pas d’effondrement donc, mais sur le long terme une baisse quasi-continue depuis 1998 – année où chaque Français avait statistiquement consommé 93,6 kilos/équivalent carcasse de viande, le record de l'après-guerre ! 


–  Que disent les opinions sur comment résoudre ces crises écologiques et sociales, et changer de modèle ? 

S. P. : À la question de savoir « quels sont les acteurs qui peuvent vraiment faire bouger les choses ? », il y a une vraie surprise, là encore : l’État vient en tête à 67 %, puis les entreprises et les marques (61 %) au même niveau que les individus (61 %), puis on trouve à 55 % et à égalité les distributeurs et les organismes internationaux, puis les associations (51 %), etc. 

Ce classement constitue une surprise car jusqu’ici, dans nos différentes études effectuées depuis 2004, les entreprises, les marques et les individus arrivaient toujours en tête – il faut remonter à 7-8 ans pour retrouver l’État en tête. 

Pourquoi prend-il une place de leader parmi les acteurs pour changer les choses ? Est-ce que cela signifie que, pour les Français, l’État peut jouer un rôle prépondérant, qu’il le joue ou qu’il doit au contraire assumer ce rôle ? Nous n’avons pas la réponse. 

J’ai l’impression que ce succès relatif de l’État témoigne avant tout du désamour des Français pour le monde économique en général. Ainsi, on observe une réelle dégradation de la confiance des citoyens vis à vis des entreprises : seuls 27 % leur accordent leur confiance en 2019, contre 58 % en 2004… Et les banques arrivent bonnes dernières du classement – le système financier et bancaire, malgré  ou à cause de ses responsabilités dans les crises écologiques,  ne constitue clairement pas pour l’opinion un levier possible pour ces changements de comportement. 

M. C. : Il y a un autre résultat éclairant sur les acteurs du changement. À la question de savoir si « Les innovations technologiques et digitales vont accélérer la transition écologique », seuls 44 % des Français interrogés sont d’accord ou tout à fait d’accord avec cette affirmation. Ils sont 59 % en moyenne dans les autres pays européens interrogés – et ce sont les Espagnols et Italiens les plus convaincus. J’ajoute que les Français considèrent à 88 % que « plutôt que de vouloir innover à tout prix,  il faudrait revenir à l’essentiel et au bon sens ». Intéressant, non ?

– Est-ce que ce classement, avec un rôle prépondérant de l’État, se retrouvent chez nos voisins européens ?

M. C. : Oui, partout le rôle de l’État est mis en avant, avec des disparités selon les pays. Il est considéré comme ayant un rôle prépondérant à plus de 60 % des opinions dans les cinq autres pays – seuls, les Britannique placent le rôle des entreprises avant celui de l’État.



Une nette adhésion des Français à l’« utopie écologique » ? 

Menée auprès de 2000 personnes représentatives de la population de France métropolitaine, l’enquête de l’Observatoire des perspectives utopiques (Obosco), développée avec la BPI France, l’ADEME, ESCP Europe et E. Leclerc, enfonce le clou : si la majorité des personnes interrogées manifeste inquiétude pour les générations futures (53 %) et nostalgie (« c’était mieux avant » pour 57 %), mais aussi une réelle défiance à l’endroit des partis politiques, des syndicats, des média et du monde de l’entreprise et de la distribution, elle témoigne aussi d’une aspiration très nette à tourner la page du modèle de consommation dominant.
À s’investir dans la vie publique à l’échelle locale, dans des productions réalisées par soi-mêmes (bricolage, cuisine, jardinage, réparation, échanges entre particuliers….), à ralentir et à mieux respecter la nature.

Ainsi, chaque personne a dû indiquer à laquelle des 3 « utopies » proposées elle se rattachée :
1) L’utopie écologique : une organisation de l’économie et de la société tendus vers l’équilibre et la sobriété.
2) L’utopie sécuritaire : une société nostalgique d’un passé révolu, soucieuse de préserver son identité et sa singularité face aux influences étrangères.
3) L’utopie techno/libérale : un monde centré sur le progrès articulé autour du développement poussé de la science et de la technologie, ayant le transhumanisme comme point d’horizon.

À 54,6 % l’opinion française se retrouve dans l’utopie écologique (à 60 % et + chez les 18-24 ans et les 35-44 ans), puis à 29,5 % dans l’utopie sécuritaire (à + de 36 % au-delà de 55 ans) et à 15,9 % dans l’utopie techno/libérale. 36 % assurent vouloir consommer « moins mais mieux » (contre 20 % consommer autant, 23 % sans changer mes habitudes et 21 % consommer plus).


– Venons-en à l’évolution des entreprises. Vous êtes spécialisé dans l’accompagnement des entreprises vers le développement durable. Pour autant votre entreprise a rejoint Total en 2017... Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous accompagnez en réalité le greenwashing de l’industrie et non leur changement réel ?

S. P. : Nous avons rejoint Total avant tout pour avoir les moyens de notre ambition afin de passer à la vitesse supérieure en matière d'accompagnement du monde de l’entreprise vers le développement durable. Pour Total, s’adosser à GreenFlex très bien outillé en matière d’innovations énergétiques et de conseils, alors que la question de la transition énergétique est clé, avait du sens. 

Cela fait à présent deux ans que nous avons rejoint Total et à aucun moment nous n’avons connu d’ingérences de leur part. Je continue à faire mon métier de la même façon, en portant les mêmes convictions pour accompagner les entreprises vers de nouveaux modèles et plus de sobriété. Et c’est majeur de faire bouger les entreprises, car si le monde économique ne change pas, rien ne basculera vraiment ! L’opinion pense que l’État a un rôle clé à jouer, mais en réalité, il ne peut pas tout.  

– Précisément, il y a-t-il des marqueurs d’un changement réel des entreprises pour prendre en compte ces nouveaux modèles de consommation ?

S. P. : J’en vois au moins deux. Le premier porte sur l’emballage en général et le plastique en particulier. Cette question est absolument clé car les emballages et les plastiques sont vraiment omniprésents dans les productions, les produits et les process. Les remettre en cause oblige les entreprises à repenser non seulement leurs chaînes de production, mais souvent leurs produits eux-mêmes, leurs matières premières, etc. 

Il y a encore quatre ans, la question de remettre leur bouteille iconique était parfaitement taboue chez Coca. Maintenant, ils ont compris que s’ils ne bougaient pas, ils étaient menacés...

Je prendrais un seul exemple à ce niveau, celui du groupe Coca Cola : j’ai assisté à la présentation de la stratégie « recyclage-emballage » de Coca Cola Europe. Ils envisagent différentes pistes – des emballages biodégradables, des emballages réalisées à partir du recyclage des plastiques retrouvés en mer, de remettre des bouteilles en verre, d’introduire des fontaines Coca dans des espaces collectifs d’entreprises ou de fac, etc. Et de tout recycler. 

– Cet effort sur les emballages, s’ils se concrétisent, ne modifient toutefois en rien les finalités nutritionnelles très dommageables pour la santé ni le modèle peu écologique et socialement durable d’un tel groupe… 

S. P. : Oui, je sais très bien que ces engagements ne transformeront pas le modèle économique de Coca Cola. Mais ils demeurent uniques à cette échelle. Il y a encore quatre ans la question de remettre en cause leur bouteille iconique était parfaitement taboue. Ils ont compris que s’ils ne bougent pas, ils peuvent être menacés...

– Est-ce que la question du recyclage des produits s’invite dans les entreprises que vous suivez ?

S. P. : Oh mais elle ne fait pas que s’inviter : elle s’impose absolument partout ! Car cela devient un sujet d’acceptabilité de leurs produits. Là encore, prenons un exemple. Celui de Tefal, qui désormais proposent à leurs clients dans plusieurs territoires de ramener leurs vieilles poêles chez leurs distributeurs contre un bon de réduction. L’entreprise récupère les composés de valeurs de la poêle (métaux) et du revêtement anti-adhésif, puis réutilise ces matières dans la fabrication de poêles neuves. L’opération n’est pas encore rentable. Mais la société persiste car la question des ressources se pose partout, elles coûtent de plus en plus cher. Et bon nombre d’entreprises viennent au recyclage autant pour réaliser des économies que des gains d’image. 

Le « consommer moins » monte en flèche ; cela revient pour les entreprises à trouver comment générer autant de valeur en produisant et en vendant moins... c'est une révolution du modèle économique qui est mise sur la table !

Autant vous dire que pour l’instant il n’y a pas beaucoup de réponses efficientes à ce questionnement tout à fait radical pour le monde industriel et de l’entreprise. Car c’est une révolution du modèle économique qui est mise sur la table. Tout le monde tâtonne, teste, réfléchit… 

M. C. : Un autre exemple éclaire cette évolution : celui du groupe Darty, qui ne fait pas partie de nos clients. Son nouveau « contrat de confiance » du printemps dernier pousse plus loin son service de SAV avec le recyclage, la réparation et le reconditionnement d’une large gamme de leurs produits mis en vente. On y lit qu’ils proposent à la fois la « reprise gratuite et simultanée de votre ancien appareil lors de la livraison par Darty de votre nouvel appareil, pour traitement ou recyclage », et de « reprendre un 2e appareil d’une famille de produits vendue par Darty ». Il offre aussi d’effectuer la « collecte pour traitement ou recyclage des appareils et des consommables usagés, réalisée dans l’ensemble des magasins Darty, sans obligation d’achat (piles et batteries, cartouches d’encre, téléphones mobiles, lampes et petits appareils électriques...). » Enfin, « Darty s’engage à allonger la durée de vie de vos produits sous réserve de réparabilité et disponibilité des pièces détachées. » (même lorsque le produit n’a pas été acheté chez eux, mais d’une marque et d’une famille commercialisée par eux). Bref ! C’est une sacré révolution pour une grande enseigne de l'électroménager !

– Vous évoquiez un deuxième signal clé de changement du monde de l’entreprise...

S. P. : Ce deuxième signal est la réflexion engagée avec un nombre croissant de nos clients sur le « consommer moins », qui monte en flèche parmi leurs propres clientèles. En fait cela revient pour eux à trouver comment générer autant de valeur en produisant et en vendant moins car les gens veulent moins consommer. 

Autant vous dire que pour l’instant il n’y a pas beaucoup de réponses efficientes à ce questionnement tout à fait radical pour le monde industriel et de l’entreprise. Car c’est une révolution du modèle économique qui est mise sur la table. Tout le monde tâtonne, teste, réfléchit… Jusqu’où iront certains, ça c’est une autre question ! 

Seules les voies empruntées par des circuits économiques plus alternatifs et souvent à petites échelles dessinent quelques articulations possibles entre ces deux tensions (valeurs en hausse et consommation en berne). Et, à chaque fois, la question de la valeur prend un sens nouveau. De même que celle de consommer.  

Nous sommes au tout début de ce mouvement de bascule. Aller vers plus de sobriété est LE grand défi des années qui viennent pour toutes les entreprises. Mais aussi pour les citoyens-consommateurs, ne nous y trompons pas !



[1]. Enquête réalisée en ligne en mai 2019 par l’institut de sondages YouGov auprès de  6 000 Français et 12 000 Européens (Royaume-Unis, Allemagne, Suède, Espagne et Italie). Elle a été analysée et publiée le 19 septembre dernier par GreenFlex avec le soutien de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Elle analyse l’évolution des consommations dans 5 domaines (alimentaire, cosmétique et hygiène, produits d’entretien, textile, meubles et équipements). 

GreenFlex est une société qui accompagne depuis dix ans plus de 750 entreprises vers des “solutions durables” et appartient au groupe Total depuis 2017. Avec plus de 550 collaborateurs, elle est déployée dans 17 bureaux en Europe. 



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