Une deuxième oasis dans le 9-3 !
par Gabrielle Paoli / Colibris - 20 juin 2017
Au début de l’année 2016, Yann terminait son reportage sur la ferme de la Butte Pinson en annonçant la création d’un second lieu à Villetaneuse. Un an et demi plus tard cette graine a bien poussé : la Ferme Universitaire P13 est désormais sur les rails ! A la rencontre d’une… deuxième oasis dans le 9-3.
C’est en bordure de route, au milieu de grands ensembles et de pavillons, en plein cœur d’un quartier, le 93, devenu le symbole de ces « banlieues » difficiles, que se loge la Ferme Universitaire P13. Cinq hectares de verdure qu’a récupéré l’association les Fermiers de la francilienne pour y monter une deuxième oasis, la sœur de la Ferme de la Butte Pinson, située à quelques kilomètres de là.
"Cette ferme est un lieu d’éducation populaire où les jeunes apprennent à faire par le faire."
Ici, tout se passe comme si la difficulté était créatrice de richesse. A l’aridité du territoire qui l’accueille, cette oasis oppose un lieu luxuriant et ambitieux. Tous les piliers d’une oasis y sont développés : agro-écologie, sobriété énergétique, écoconstruction, mutualisation, accueil du public… Mais plus encore, c’est une profonde vocation éducative qui anime ce lieu. Pour Julien Boucher cette ferme, qu’il coordonne, est un lieu d’éducation populaire où les jeunes apprennent à faire par le faire.
Une oasis par et pour les jeunes de tous les horizons
Montée en partenariat avec l’Université Paris 13, qui est propriétaire du terrain, la ferme du même nom oriente avant tout son activité vers l’apprentissage - de tous. Des groupes scolaires d’abord, dont les enfants viennent découvrir la nature, ses lois, ses odeurs, sa diversité. Les jeunes de la fac de Paris 13 ensuite, dont les étudiants en éthologie viennent par exemple observer les animaux. Les 18 - 25 ans du 93 également, surtout ceux sans emploi ni formation, qui bénéficient d’un suivi personnalisé dans la cadre du programme de réinsertion par le travail (NEET) financé par le fond social européen (FSE). Enfin, la ferme accueille des personnes sous main de justice.
Ce sont donc des jeunes issus de tous les horizons qui se retrouvent sur ce même lieu pour le soigner. « Cela permet de mélanger les publics, de décloisonner, souligne Julien Boucher. Les jeunes des cités mangent avec les étudiants, les maternelles jardinent avec des personnes âgées. Grâce ce faire ensemble, les gens s'écoutent et se comprennent."
Une production alimentaire pour la ferme et ses alentours
C’est Eloïse Guidotty, agronome formée en agroécologie à La Réunion et Madagascar, qui s’occupe de designer petit à petit la ferme. Ce terrain, qui a été un verger, une friche, et finalement une décharge, accueille déjà des aubergines, des petits pois, de l’ail et des carottes ainsi qu’une mare artificielle ! Encore prévu pour 2017 : une serre de production essentiellement dédiée à des plantes aromatiques et médicinales et une serre bioclimatique pour servir de pépinière.
Cette production locale sera directement intégrée au territoire : une des parcelles sera mise à disposition d’associations étudiantes et d’habitants pour une production de variétés anciennes, de même qu'un service de vente de paniers en circuits courts. Des ateliers cuisine seront aussi mis en place avec les jeunes pour valoriser des invendus et nourrir tous les fermiers. Les restes sont toujours récupérés : pour les animaux ou compostés !
"Les jeunes des cités mangent avec les étudiants, les maternelles jardinent avec des personnes âgées. Grâce ce faire ensemble, les gens s'écoutent et se comprennent."
Chantiers participatifs et matériaux de récup’
Les bâtiments de la ferme de Villetaneuse ont tous été entièrement construits à partir de matériaux de récupération, comme des palettes et du mobilier voués à être jetés et sont le fruit d’un travail collectif entre des équipes bénévoles, des jeunes en réinsertion, des encadrants techniques et le collectif “Comp’Oz”. La clôture d’enceinte en bois a par exemple été réalisée par des services civiques et le village des animaux a été créé à l’occasion de différents chantiers solidaires et de cohésion d’entreprise organisé par Uniscité.
A cette écoconstruction s’ajoute une réelle intention de sobriété et d’autonomie énergétiques. Des toilettes sèches ont déjà été construites. Deux grands projets sont également dans les cartons : la conception d’un prototype d'éolienne urbaine par les étudiants en électro-mécanique de l’IUT de Saint-Denis. A cela s’ajoutera peut-être la mise en place d’un projet pilote de méthaniseur en partenariat avec l’institut Galilée de Paris 13. Le principe ? Récupérer les déchets des entreprises qui paieront pour tester le procédé. Cette installation initierait un programme dédié à ce méthaniseur à l’université, génèrerait des emplois supplémentaires sur le site, et permettrait d’obtenir de quoi faire fonctionner les équipements de chauffage et de cuisson en autonomie.
Les bâtiments de la ferme de Villetaneuse ont tous été construits à partir de matériaux de récupération et sont le fruit d’un travail collectif entre des équipes bénévoles, des jeunes en réinsertion, des encadrants techniques et le collectif “Comp’Oz”.
Un refuge pour l’eau et les animaux
La ferme accueille aussi une cinquantaine d’animaux, tous sauvés de l’abandon ou de la maltraitance. Etoile noire, pompom, grisouille, cacahuète et tous les lapins ont été récupérés, tout comme les moutons et les cinq cochons, transférés de la SPA. Pour compléter le tableau : une ânesse, une poney, plusieurs ruches et bientôt une "world basse-cour" constituée de cases refuge, comme on les fabrique à l’étranger, pour des poules et canards…
La revalorisation et la protection du cours d’eau la Ru d’Harras constituent un axe majeur du projet de la ferme. Dans un premier temps sera menée une campagne de ramassage des déchets avec les habitants de la zone et les étudiants pour dégager la zone du lit du Ru. Ensuite, viendra l’aménagement des berges du Ru grâce à des pratiques douces et écologiques dans le but de le rendre accessible et agréable !
Un lieu créateur d’emplois
La ferme universitaire P13 accueille aujourd’hui trois jeunes en réinsertion par le travail (NEET), six à sept jeunes chargés de travaux d’intérêt général (TIG) pour trois encadrants et plusieurs services civiques. Julien Boucher est attentif à cependant bien consolider le modèle économique. Principalement financée par le fond de solidarité européen (FSE), l’équipe se donne l’objectif d’augmenter encore le taux de 25% à 30% de sortie positive pour les jeunes en réinsertion par le travail, afin de continuer à pouvoir en accueillir et bénéficier de ce financement. L’enjeu principal est cependant de gagner en indépendance en renforçant les revenus propres issus de l’accueil des scolaires et du public pour ne plus dépendre intégralement des subventions.
En pleine expansion, ce lieu hors du commun a besoin de toutes les énergies et belles idées, n’hésitez pas à le rejoindre ou à vous en inspirer !
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