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Réforme de la PAC : un tournant dans l’avenir de notre modèle agricole

La Politique Agricole Commune (PAC) des 7 prochaines années se décide actuellement au sein de l’Union Européenne, dans le cadre de négociations qui doivent aboutir à la fin du mois de juin. Décriée, la PAC soulève de nombreuses problématiques environnementales, socio-économiques et internationales. Retour sur ces enjeux fondamentaux pour l’avenir de notre agriculture.
 

Depuis plusieurs mois, la réforme de la PAC 2014-2020 est devenue un sujet brûlant pour l’Union Européenne. Symptôme d’une crise structurelle de l’agriculture européenne, la PAC coûte cher mais n’apporte pas de solutions écologiquement et humainement viables à nos agriculteurs. Représentant chaque année autour de 60 milliards d’euros, soit 43% du budget total de l’U.E1 sur la période 2007-2013, la PAC est aujourd’hui attaquée à plusieurs échelles. Profondément néfaste à l’environnement, la PAC est aussi dénoncée pour les inégalités qu’elle ne fait qu’aggraver, aussi bien au sein de l’Union Européenne qu’au sein du secteur agricole et parmi ses différents partenaires du commerce mondial. Point d’analyse sur ces quatre niveaux de critique.

Une agriculture destructrice de son environnement

En matière d’enjeux environnementaux, tout d’abord, la PAC n’est pas orientée vers des politiques durables et agroécologiques. Favorisant de grandes exploitations et la domination d’une agriculture industrielle intensive, la PAC alloue de maigres subventions à destination des pratiques agricoles responsables et à l’aménagement territorial durable. En privilégiant des systèmes de production spécialisés, concentrés et intensifs et l’utilisation des pesticides, la PAC a ainsi encouragé la dégradation des sols et des cultures, la diminution des variétés d’espèces cultivées et la régression des prairies permanentes. Outre la détérioration de la biodiversité sauvage et domestique, l’agriculture moderne défendue par la PAC a également d’importants impacts en matière de changements climatiques (émissions de gaz à effet de serre) et de pollution des eaux (nitrates). Le défi est donc majeur à l’horizon 2020 : intégrer les engagements environnementaux de l’Union européenne dans la prochaine réforme de la PAC.

Une agriculture injuste et en perte de vitesse

Dommageables à l’environnement, les aides de la PAC le sont également à notre système économique et social. Elles sont productrices d’inégalités à plusieurs niveaux, entre les Etats et les Régions, mais aussi entre les agriculteurs et les systèmes de production.

Au sein de l’UE, la répartition des aides de la PAC est sujette à de nombreuses critiques, parmi les Etats-membres. Certains pays de l’UE ont, certes, un secteur agricole plus conséquent que d’autres, et  reçoivent ainsi proportionnellement plus de subventions que les autres. C’est le cas de la France, qui est le premier bénéficiaire de la PAC, devant l’Espagne et l’Allemagne. Mais la répartition s’effectue aussi sur des critères historiques : les nouveaux Etats membres reçoivent seulement une petite partie des aides financières. C’est ainsi que la Pologne, pour qui le secteur agricole est un levier important de l’économie du pays - avec 13,3% de la population active et 2,4 millions d’exploitations agricoles - reçoit en valeur relative moins d’aide que la Grande-Bretagne, qui n’a pourtant que 1,1% de sa population active concentré sur le secteur agricole, avec à peine 300 000 exploitations agricoles2. C’est ainsi que de nombreux pays militent pour une plus grande convergence des niveaux d’aides entre les Etats membres.

Particulièrement inéquitable au sein de l’UE, la répartition des aides de la PAC ne contribue pas non plus, aujourd’hui, à enrayer la diminution des emplois dans le secteur agricole ainsi que la perte régulière de pouvoir d’achat pour les agriculteurs. En effet, on considère que 20% des exploitations accaparent près de 80% des aides directes, pour 59% des superficies et seulement 25% d’emplois3. Une sorte de cartographie des aides de la PAC peut être ainsi établies : celles-ci se destinent prioritairement aux grandes cultures et aux grands élevages, tandis que d’autres secteurs comme les fruits et légumes, la viticulture ou les vaches laitières sont très peu soutenus. Ceci fait donc de la PAC une politique socialement très contestable. Preuve en est donnée par la difficile visibilité autour des données statistiques, beaucoup de pays n’offrant pas un accès public aux informations principales4. C’est ainsi que se sont montées des campagnes citoyennes réclamant une plus grande transparence5, à l’image de celle d’Oxfam qui dénonçait au milieu des années 2000 le fait que des personnalités comme Albert de Monaco ou la reine d’Angleterre bénéficient de subventions conséquentes6...

Une agriculture inéquitable pour nos partenaires au Sud

Si la PAC s’avère injuste à l’égard de ses propres actifs agricoles, elle l’est de surcroît vis-à-vis de ses partenaires et des pays en développement, dont le secteur agricole fait face aux politiques de dumping pratiquées sur les produits agricoles par l’Europe. En effet, le système d’aides économiques a longtemps permis de subventionner des exportations vers les pays du Sud. Grâce à cette politique de subvention, les produits européens étaient vendus moins chers que s’ils étaient produits localement ! C’est ainsi qu’à la fin des années 90, les Sénégalais ou les Camerounais se sont mis à consommer massivement des poulets européens7 ! Avec toutes les conséquences désastreuses que cela représente en destruction de filières, d’emplois et de marchés locaux… Si les réformes successives de la PAC se sont attaquées à freiner cette concurrence déloyale, il reste encore aujourd’hui beaucoup à faire pour lutter contre cette politique de dumping organisée sciemment !

L’urgence de l’agenda

2013 est une année-charnière dans l’agenda de la Politique Agricole commune (PAC), puisqu’elle marque l’adoption finale d’une nouvelle réforme. La nouvelle PAC se verra mise en œuvre pour les 7 prochaines années, à partir du 1er janvier 2014 et jusqu’en 2020, conformément au cadre pluriannuel sur lequel se sont mis d’accord les Etat-membres.

Les négociations sont sur le point d’aboutir. Le 13 mars dernier, les parlementaires européens ont ainsi voté à Strasbourg les quatre rapports portant sur la réforme de la PAC - Paiements directs, Développement rural, Organisation commune de marché et règlement horizontal. Si les enjeux sont conséquents (part dans le budget européen, conditionnalité des aides, meilleure protection de l’environnement, etc.), les mesures restent faibles et les textes manquent encore cruellement d’ambition. Surtout, le temps joue en la défaveur du changement : la commission européenne a décidé, le 18 avril dernier, l’instauration d’un régime transitoire pour l’année 2014, afin de mettre en place progressivement le nouveau système d’aides directes issues de la réforme de la PAC. Le verdissement espéré des aides ne pourra donc débuter qu’en 2015, quoiqu’il en soit8...

Le temps d’agir

C’est pourquoi le secteur associatif et la société civile se mettent en marche pour porter la voix d’une autre agriculture, plus durable et plus juste. C’est aujourd’hui qu’il faut se mobiliser pour infléchir ces décisions européennes, tant qu’il est encore temps ! Car, après, la prochaine réforme de la PAC sera dans 7 ans…

Pour participer à ce mouvement citoyen, nous vous invitons d’abord à signer la pétition "I Field Good", initiée par la Fondation Nicolas Hulot, qui a pour but d’intégrer quatre orientations à la réforme de la PAC afin de bâtir une agriculture et une alimentation d’avenir, écologique, juste et solidaire.

De même, dans le sens de la campagne "Go Meet A Deputy" qui appelait, au printemps dernier, chaque citoyen à interpeller ses eurodéputés sur le vote de la PAC, il est encore temps de faire entendre votre voix, en vous mobilisant, en écrivant et en sollicitant vos représentants auprès du Parlement européen.

La Confédération Paysanne lance par ailleurs sa campagne "Envie de paysans !" qui vise à faire se rencontrer les producteurs et les consommateurs, afin d’échanger sur l’avenir souhaitable de l’agriculture. Continuez à débattre et à partagez ces informations autour de vous : la prise de conscience de chacun est nécessaire au changement d’agriculture !

Pour plus d’informations générales sur la PAC, reportez-vous au site, très complet, du groupe PAC 2013 : www.pouruneautrepac.eu

 

Notes :

1 Voir "La PAC en chiffres" sur le site du Parlement européen.

2 Voir la page "Diversité des situations et des positions dans les Etats membres" dans le dossier de la Chambre des agriculteurs.

3 Chiffres de 2008, tirés de la Fondation Nicolas Hulot : www.ifieldgood.org

4 Pour consulter les statistiques officiellement disponibles, consulter le site de la Commission européenne : ec.europa.eu/agriculture/cap-funding/beneficiaries

5 C’est l’objet du site farmsubsidy.org, qui tente de proposer une base de données ouverte.

6 Lire à ce sujet l’article de Novethic.

7 Voir la campagne conjointe du GRET, CCFD, CFSI et consorts : "Exportations de poulet, l’Europe plume l’Afrique".

8 Voir à ce sujet l’article de "La France agricole".

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