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"Notre ambition : mieux articuler les changements individuels et collectifs"

Depuis quelques semaines, Pierre Rabhi a été l’objet d’attaques répétées d’un journaliste, Jean-Baptiste Malet. Au-delà des critiques contre l’homme que nous respectons et soutenons, certaines attaques nous touchent directement à Colibris, mouvement citoyen qui a été inspiré par Pierre. Certaines critiques concernent la posture politique de Colibris. À leur racine, on observe une dualité systématique entre action individuelle et action collective. Pour M. Malet, encourager et soutenir les personnes à « faire leur part » empêcherait de remettre en question le système économique et social et, finalement, prolongerait la vie du capitalisme. Ses propos montrent sa méconnaissance de la posture et des actions de l’association Colibris et ils sont a minima mensongers, éventuellement dangereux.



Pour nous, la transformation de nos modes de vie est nécessaire. Les grands enjeux de notre époque, notamment la question écologique et la nécessaire justice sociale à l’échelle planétaire, ne seront pas résolus sans changer notre alimentation, notre logement, notre façon de nous déplacer, de partager, de travailler.... Il ne s’agit pas d’une posture idéologique, mais avant tout d’une lecture des données techniques et scientifiques sur le sujet. Croire que les enjeux actuels auront des réponses sans changement de notre mode de vie est irrationnel. Certes, des changements d’infrastructures et de fonctionnement collectif sont indispensables, mais force est de constater que nos modes de vie doivent également profondément changer.

"Croire que les crises actuelles auront des réponses sans changement de notre mode de vie est irrationnel."

Colibris a toujours favorisé l’action collective, explore des nouveaux modes de gouvernance et de faire-ensemble, accompagne les projets citoyens collectifs comme les oasis (habitats participatifs), les circuits courts alimentaires, les monnaies locales… Ces actions participent de la nécessaire transformation de nos territoires et nos environnements de vie. Colibris a également mis au cœur de ses thématiques la question démocratique. Nous sortons justement en ce moment une formation en ligne, ou MOOC, autour de la question « Quelle démocratie pour demain ? » pour inviter un maximum de citoyens à penser leur participation à la vie de la cité.

Nous estimons que l’action politique peut prendre des formes différentes et complémentaires. Nous sommes attachés à penser le « ET » et non seulement le « OU ». Que ce soit dans la vie politique institutionnelle, que ce soit dans des actes de résistance ou de désobéissance civile, ou encore dans l’éducation populaire et l’empowerment des citoyens, il existe de nombreuses façons de participer. Colibris n’est pas un parti, car nous ne nous retrouvons pas, comme des millions de citoyens, dans le jeu biaisé du système représentatif actuel, bien peu démocratique. Colibris n’est, bien souvent, pas non plus sur des actions de plaidoyer ou pour dévoiler des injustices. Pour autant nous savons que ces actions ont leur raison d’être et participent d’un changement systémique, mais aussi que d’autres structures le font très bien. De manière complémentaire, Colibris est un mouvement d’émancipation individuelle et collective qui accompagne celles et ceux qui veulent « faire leur part ». Cette posture n’est pas contradictoire avec d’autres moyens d’action, au contraire. 

"Colibris est un mouvement d’émancipation individuelle et collective qui accompagne celles et ceux qui veulent « faire leur part ». Cette posture n’est pas contradictoire avec d’autres moyens d’action."

Nous croyons en parallèle à la valeur de la cohérence et la puissance de l'exemple.  À ce titre, ces transitions individuelles ou collectives que nous accompagnons sont des modèles, des prototypes et des catalyseurs de changement plus politiques. Nous croyons à la force de l’expérimentation et de la démonstration. Ainsi l’action locale peut être le terreau sur lequel germera le changement plus large que nous appelons de nos vœux.

Au-delà de ces mauvaises interprétations de notre posture, il convient aussi de préciser notre éthique et nos valeurs. La légende du colibri, qui a donné son nom à notre mouvement, est le support de certaines critiques de M. Malet. Nous tenons à rappeler qu’elle n’est qu’une histoire, mais qu’elle inspire des dizaines de milliers de citoyens à agir. Elle ne prétend pas que faire sa part éteindra l’incendie. Beaucoup y trouvent cependant une énergie à contribuer positivement. On peut spéculer sur la suite de la légende ou sur son interprétation. Pour nous en tout cas, elle vise surtout à éveiller la mobilisation collective et à combattre le découragement. Et nous croyons que les petits ruisseaux font les grandes rivières, que les colibris qui s’activent pour éteindre l’incendie participent à mobiliser les autres habitants de la forêt. Nous pouvons tous agir sans attendre que le système ait déjà changé. De plus, nous pensons qu’il s’agit non seulement de « sauver le monde », mais surtout d’agir de façon juste. Ce n’est pas la seule réaction au système actuel défaillant qui mobilise notre énergie.

Nous pouvons tous contribuer à inventer un autre monde. Il est crucial de donner à chacun et chacune à la fois cette confiance, mais aussi d’accompagner la capacité à agir. Soutenir que l’action individuelle ne sert à rien est dangereux, car cela revient à prendre le modèle capitaliste moribond comme une fatalité, ce qui facilite en définitive le succès des  extrémismes.

Les nécessaires changements demandent de revisiter les grilles de lecture du XXème siècle. Par exemple, on ne peut limiter notre lecture de la situation au simple prisme de la lutte des classes. Et ceci sans nier à la fois que les inégalités sont l’un des éléments à l’origine des crises actuelles, mais aussi que les plus démunis et fragiles sont les premières victimes de ces crises globales. Pour nous, le changement nécessaire est en premier lieu une profonde transformation de notre regard sur le monde et sur notre place dans celui-ci. Il passe par un véritable changement de paradigme qui demande de revisiter les logiciels politiques du XXème siècle. Loin des idéologies et du prêt-à-penser, il convient de construire une société de la diversité, valeur cardinale du mouvement Colibris, et d’explorer une révolution politique qui dépasse le manichéisme tout en ne niant pas les responsabilités de chacun. Nous avons choisi cette posture pour aborder concrètement les enjeux écologiques, sociaux, démocratiques et sociétaux. Elle fait ses preuves tous les jours dans la créativité extraordinaire de la société civile. Cette posture invite à nous mobiliser tous, quelle que soit la taille de notre action. Sans oublier d'interpeller et d'entraîner les responsables politiques et économiques.

Ainsi, nous œuvrons à mieux articuler les changements individuels et collectifs, à potentialiser l'action des différents acteurs et réseaux dans les territoires afin de les rendre plus puissants. Notre proposition est de cesser enfin les clivages inutiles, et de coopérer pour changer.

Commentaires

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S'il est vrai qu'on ne peut tout réduire au prisme de la lutte des classes, il n'en reste pas moins que, contrairement à ce que certains aimeraient nous faire croire, elles sont encore bien réelles (quand on voit que les 1% les plus fortunés possèdent la moitié de la richesse mondiale...). Moi-même colibri depuis 2012, je dois dire que l'obsession de ne jamais être "contre" mais toujours "pour" me pèse. Je pense que c'est complémentaire, et que tout en faisant son jardin et travaillant sur soi, il faut aussi lutter contre les puissances bulldozers qui sont en train de s'accaparer la planète tout en la détruisant, au lieu de s'acoquiner avec eux (c'est aussi ce que M. Malet reproche à Pierre Rabhi - de côtoyer des PDG de boîtes du CAC 40- et je dois dire que je le rejoins là-dessus).

Entièrement d accord avec l article à ce sujet sur le monde diplomatique..

Bonjour, j'adhere a votre texte. Je vous suis reconnaissant du MOOC democratie qui montre que vous investissez la question politique. Cependant, l'article, factuel et argumenté, ne semble pas tourné vers le mouvement. Il éclaire le personnage de Rabhi et est une opportunité de se démarquer de déclarations complaisantes (cf citation E. Macron).
Oui il faut garder une certaine neutralité politique mais, le slogan d'alternatiba "changer le système et pas le climat"" le montre bien, le mouvement colibris ne peut pas éluder le débat de son positionnement par rapport au systeme capitaliste et aux forces en présence. Une proposition : pourquoi ne pas faire comme Oxfam et publier un rapport d'évaluation des programmes des formations politiques par rapport aux idées défendues par les colibris?