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Chronique d'une oasis : les Terres Rouges #1

"J'écoute la terre"

Après une vie de médecin de campagne et de psychothérapeute, Jean-Yves Laurent s'est fait potier. Et depuis 2005, il transforme, avec sa femme et ses quatre enfants, la maison familiale en oasis ressources pour en faire un espace de partage de savoirs et d’expériences scientifiques. Aujourd’hui encore, Les Terres Rouges n’ont de cesse de se développer...



Dans l’Yonne, la constellation des Terres Rouges est une oasis ressources constituée de la réunion de trois lieux. La maison des Terres Rouges, celle de la famille Laurent, où l'association “Les Terres Rouges de Treigny” oeuvre depuis 2005 (stages, expositions, concerts, conférences...) ; la Ferme Itinérante du Chaîneau, une ferme pédagogique allant d’écoles en maisons de retraites et foires ; et le Jardin de Vrilly, un jardin partagé en permaculture accueillant un atelier de poterie. Cette chronique vous invite à vous plonger dans des instantanés de la vie de cette oasis comme dans les moments forts du projet...

La Maison des Terres Rouges, avec la phytoépuration au premier plan.

Un dimanche d’octobre 2017 au matin, dix heures.

Quelques silhouettes émergent de la brume poyaudine. Nous sommes huit sur le terrain de Vrilly pour le découvrir, mais surtout pour partager nos idées, nos projets, nos enthousiasmes et nos expériences. Laure, Valéry, Jérôme, Marie-Noëlle, Gaëlle, Jacques, Danielle, Jean-Yves, les enfants et Goémon, chienne fidèle et attentive, viennent voir si ce terrain pourra accueillir leur futur jardin partagé.

Nous arpentons le sol jonché d’herbes broyées par Valéry et Denis la semaine dernière.

Plan en main et photo aérienne à l’appui, les premières balises sont posées : "Là, tu vois il faut que nous déplacions l’entrée, car dans le virage la sortie serait dangereuse" ; "La mare va être encore creusée afin de récupérer l’argile pour les enduits de la maison" ; "C’est ici, côté ouest, que nous devons implanter la haie coupe-vent, un des premiers travaux à mener".

Peu à peu nous découvrons les richesses et les possibilités que nous offre ce morceau de terre - moi compris, qui pensais pourtant en avoir déjà fait le tour. "Tu as vu la variété de la flore naturelle ! Et la quantité d’insectes !  Pas besoin de rajouter grand-chose" ; "Ce roncier je pense qu’il faut le garder" ; "Là tu vois, ce poirier, il est temps de le nettoyer, et les frênes à côté du grand chêne, ils mériteraient d’être coupés, des deux côtés. Ils sont à bonne maturité."

Les travaux qui s’annoncent sont nombreux. Parmi eux, le nettoyage de la zone future d’implantation du jardin et la collecte des plants pour la haie future. Il y a environ 50 mètres à planter, soit quelques deux cent plants. Sur place il y a déjà des saules, des lilas, des charmes, des noisetiers. Nous voudrions ajouter des cognassiers, des néfliers, des cormiers, quelques figuiers, alisiers, bourdaine, et des rosiers pour organiser une fête des rosiers au mois de mai  - tradition qui s’est perdue dans le hameau de Vrilly. La plantation se fera le 25 novembre, il faudra prévoir un trait de charrue et de quoi pailler… à voir avec Ludo et Val. 

Pour l’entretien des haies, Marie-Noëlle nous a expliqué l’intérêt de conserver des ronces, surtout au pied des arbres fruitiers, pour limiter les dégâts possibles des animaux qui viendront pâturer dans le verger. À propos des animaux d’ailleurs, on envisage des chèvres, des ânes, des Highlands…. Tiens, c’est magique, ils sont déjà présents chez Ludo et Murielle au Chaîneau !

Vers onze heures, le soleil est sorti de sa couette de brume et l’horizon s’est découvert. Chacun est très sensible et attentif à la beauté du lieu. On s’accorde pour préserver une ligne d’horizon en maintenant les haies assez basses et en ménageant des petits coins accueillants.

Les sous-bois autour de la maison, environnement de Puisaye.

Nous revenons sur les « fondamentaux » de notre projet : il ne s’agit pas de « faire de la production », mais plutôt d’inventer un jardin varié où il fera bon vivre et où on aura plaisir à se retrouver. Plaisir d’expérimenter aussi telle ou telle pratique, culture, aménagement. Le tout dans un cadre assez précis pour conserver la beauté et l’harmonie du terrain, sans toutefois brimer les initiatives. Ce lieu sera aussi une sorte de « jardin du futur ». Il pourra associer les rôles d’un jardin conservatoire mais surtout montrer ce qu’un jardin devra être dans les décennies prochaines pour assurer une nourriture saine, respectueuse de l’environnement et mettre en œuvre des techniques et stratégies le plus possible en symbiose avec la vie du sol qui nous accueille.

Il nous faudra aussi réfléchir à l’accessibilité du jardin et de la serre pour les enfants et les personnes en situation de handicap. Prévoir des toilettes sèches dans un p’tit coin…. Tout cela se fera tranquillement, quand ce sera le bon moment.

Le soleil est là qui nous chauffe. La terre fume. Il est bientôt midi. Un des jeunes enfants est couché sur le sol, à plat-ventre, dans l’herbe mouillée. "Mais que fais-tu là ?" lui demande sa mère. "J’écoute la terre”.

Il nous a tracé la route.


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