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Carrotmob, l’invention du « contre-boycott »

Par Florian Jehanno / les Cré Alters

Comment fait-on avancer un âne ?

Deux solutions : soit on lui donne des coups de bâtons, soit on lui met sous le nez une délicieuse carotte, et…on l’attire tranquillement vers l’avant ».
Malgré les apparences, Brent n’est pas éleveur de bourricots. Ses carottes, il les propose à un tout autre public : cafés, bars, commerces, ou restaurants. A une différence notable toutefois, ses carottes sont en papier monnaie.
Il fait plein soleil cet après-midi là lorsque nous rencontrons Brent Schulkin sur la butte du parc Dolores à San Francisco. Brent est le fondateur d’un activisme d’un genre nouveau, le « contre-boycott ».
 

« J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir aux différentes façons de construire un monde meilleur, j’ai essayé plusieurs méthodes comme les manifestations ou les boycotts, et j’ai toujours été frustré car ces actions n’étaient pas assez efficaces. Finalement, j’ai réalisé qu’un des meilleurs moyens de changer les choses, c’est de toucher directement les entreprises. Mais attention, pas en leur faisant peur, ni en les attaquant, mais en les incitant à changer par l’argent ».

Un jour, Brent se décide à mettre son idée en pratique et commence par rendre visite à tous les commerces de son quartier. Il explique aux gérants qu’il est prêt à ramener beaucoup de gens dans leur magasin, qui dépenseront au total beaucoup d’argent mais à une condition : qu’il s’engage à réinvestir un pourcentage des bénéfices de cette action dans la diminution de leur empreinte écologique. Entre méfiance et amusement, les enchères montent peu à peu entre les différents gérants : 10, 15, 18…puis finalement 22 %. Le commerce proposant le meilleur pourcentage gagne l’enchère et devient le lieu de l’événement. Basé sur le principe du Flashmob (mobilisation éclair), Carrotmob, grâce à une promotion efficace et différents réseaux sociaux, réunit des centaines de personnes un même jour à la même heure devant un commerce, avec pour mission… d’y acheter au moins un produit.

C’est ainsi qu’un samedi après-midi comme les autres, le K&D Market, une épicerie du quartier de Mission, vit débarquer devant ses portes des centaines d’acheteurs festifs, qui firent la queue sur deux pâtés de maisons dans l’attente d’acheter un paquet de riz ou une brique de lait. Bilan de l’opération, $ 9000 (6500 €)  en quelques heures ! Soit, selon les engagements du commerce, près de $ 2000 (1450 €) ré-investis dans un dispositif d’éclairage écologique.


L’avantage du dispositif Carrotmob, c’est qu’il élargit le cercle de personnes qui pourraient prendre part à des actions de contestation. Comme l’explique Brent, “le militantisme traditionnel est dur, ça prend du temps, ça demande du courage et c’est stressant”, alors que Carrotmob ne demande pas un tel niveau d’engagement.
 

«Ta tante Betty ne va pas aller sur la place centrale pour manifester, crier des slogans et chanter des chansons, mais elle ira dans un magasin pour acheter son pain si cela permet de défendre ses valeurs ».

Avec le succès, Carrotmob grandit et d’autres manifestations se concrétisent dans des épiceries, superettes, restaurants, boites de nuits, ou marchés. De nouvelles avancées environnementales voient le jour comme la fin de l’utilisation des sacs en plastique, l’amélioration des systèmes d’électricité, de l’isolation, l’offre de produits locaux, bio. Elles sont possibles avec les recettes d’un Carrotmob qui sont directement investies dans le magasin qui joue le jeux. Récemment, les actions de Carrotmob ont permis la promotion du commerce équitable ou la lutte pour de meilleures conditions de travail, par exemple la création d’une « caisse santé » dans un restaurant afin de mieux indemniser les employés absents pour congé maladie.

C’est ainsi qu’une fois unis, les consommateurs engagés font pression pour faire évoluer les pratiques environnementales et sociales des entreprises concernées. Certaines sont d’ailleurs prêtes aujourd’hui à ré-investir 50, voire 75% des bénéfices d’une action Carrotmob. Le potentiel d’un tel mouvement est donc énorme et les avancées possibles sont multiples.

Les sceptiques diront qu’il s’agit d’un bon coup de pub pour ces commerces devenus « verts » ou « éthiques» pour peu cher et sans engagement dans la durée. Comment être sûr que le gérant, une fois que les ampoules basse consommation seront mortes, ne les remplace par des ampoules classiques ou bien que les sacs en plastiquent ne reviennent ? C’est sans compter ici sur la force des consommateurs. Brent nous explique qu’il n’existe pour le moment aucun contrôle mis en place par Carrotmob, et ceci pour la simple et bonne raison qu’il n’en voit pas l’utilité. Les commerces engagés dans cette démarche jouent leur réputation, et d’autant plus que la plupart sont des commerces de proximité. Ce sont ainsi les clients eux-mêmes qui veillent indirectement à la bonne utilisation des fonds et à l’engagement des entreprises dans la durée.

Certes Carrotmob n’est pas prêt à transformer Nestlé, Adidas, Sony … mais tout en changeant petit à petit les commerces de proximité, il participe à cette vague de prise de conscience du consommateur quant à son pouvoir de changement, et lui donne un moyen d’action direct et concret.


Le mouvement aujourd’hui a fait des petits, et déjà plus de 170 Carrotmob ont été organisés autour du monde. En France le premier évènement eut lieu à Bordeaux en 2009, puis à Rocheford en 2010, et enfin en juin dernier à Rennes, Lyon et Paris. En mars 2011, Carrotmob France fut lancé et cherche des volontaires dans toutes les villes pour faire émerger le mouvement en France.
Alors à quand un Carrotmob en bas de chez vous ? Consomm’acteurs le pouvoir est entre vos mains et comme dirait Brent « peuple de France c’est à vous de jouer ! ».

Pour aller plus loin :

· Site de Carrotmob
· Vidéos de présentation de Carrotmob
· Facebook Carrotmob France

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